IV. Comment peut-on faire la transition ?

Le constat que Rousseau dressait au XVIIIe siècle est probablement toujours d’actualité :

« Vos citoyens, tout absorbés dans leurs occupations domestiques, et toujours froids sur le reste, ne songent à l’intérêt public que quand le leur propre est attaqué. Trop peu soigneux d’éclairer la conduite de leurs chefs, ils ne sentent les fers qu’on leur prépare que quand ils en sentent le poids. Toujours distraits, toujours trompés, toujours fixés sur d’autres objets, ils se laissent donner le change sur le plus important de tous, et vont toujours cherchant le remède, faute d’avoir su prévenir le mal. » (Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1764)

Nous ne sommes cependant pas obligés de voir ce constat comme une fatalité. À partir du moment où nous nous déciderons à « prévenir le mal », nous pourrons nous libérer de nos « fers »… Comment ?

1Pour obtenir une constitution démocratique, nous avons vu qu’il faudrait faire cesser le conflit d’intérêts consistant pour les élus à écrire eux-mêmes les limites de leur pouvoir. Pour cela, au lieu de nommer ou d’élire les membres de la nouvelle assemblée constituante, la méthode du tirage au sort semble être la plus incorruptible et surtout la plus représentative. Pour convoquer une assemblée constituante selon cette méthode, il y a deux possibilités : compter sur les parlementaires pour le faire, ce qui semble périlleux, ou utiliser un référendum constituant qu’il nous faudrait au préalable leur extorquer. Dans tous les cas, la priorité est d’en parler autour de nous car seul le nombre permet de peser. On peut commencer par tous ceux qui sont déjà engagés dans un combat politique mais ne s’en prennent qu’à une conséquence de notre impuissance politique (comme le souligne Rousseau). Si vous utilisez Facebook, vous pouvez partager les visuels de la page Le-Message.org pour convaincre les militants de votre entourage, puis le site le-message.org lui-même pour une présentation concise des grandes idées, ou encore LaVraieDemocratie.fr pour donner les arguments que ces grandes idées sous-tendent et les réponses aux principales objections. Il faudrait montrer aux militants la cause des causes du problème auquel ils s’attaquent pour espérer que leur perspective se recentre sur l’essentiel : notre mauvaise Constitution. Tout l’enjeu est donc de montrer aux gens que leurs problèmes quotidiens sont directement liés à ce texte qui définit un régime politique dans lequel nous sommes impuissants. Le jour où l’idée de la démocratie aura largement percé, la révision-abrogation de la Constitution de la VeRépublique pourra aisément être obtenue, quelle que soit la méthode — commencer par exiger le référendum d’initiative populaire en faisant une grève générale, ou encore essayer de renouveler le parlement.

2Vouloir une vraie démocratie est une revendication concrète que nous pouvons porter dès aujourd’hui, sans aucune violence, par la voie légale. Il suffit que nous soyons suffisamment nombreux pour commencer par réclamer à nos élus le référendum d’initiative populaire (et exclusivement populaire, il n’est pas question de « partager » l’initiative avec des élus), lequel nous permettrait ensuite de proposer aux Français d’instituer une assemblée constituante tirée au sort chargée d’écrire une nouvelle Constitution démocratique et donc protectrice à l’encontre des abus de pouvoir. Concrètement, il faudrait :

  • Exiger la modification du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution, qui indique actuellement que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ». Comme le suggère l’association Article 3, il devrait être complété ainsi :« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum d’initiative populaire, en toutes matières y compris constitutionnelle et de ratification des traités ; cet article ne peut être modifié que par voie référendaire. » (voir la proposition complète). Cette rédaction présente l’avantage d’être difficile à contester car aucune modalité n’est précisée (c’est à faire dans la loi organique) et le seul angle d’attaque restant serait donc de soutenir que le peuple doit être réduit au silence entre deux élections, ce qui est délicat.
  • Une fois le référendum d’initiative populaire concédé par les élus, il est bien possible que ceux-ci essaieront de le rendre difficile à utiliser en adoptant une loi organique qui demandera de réunir un nombre immense de signatures en un temps très court pour déclencher l’initiative. Il faudra donc rester mobilisés pour supprimer immédiatement d’éventuelles modalités traîtresses et en écrire de meilleures : le premier référendum d’initiative populaire serait destiné à réécrire immédiatement la loi organique par nous-mêmes pour inscrire des modalités honnêtes (par exemple, laisser au moins un an pour le recueil des signatures et permettre l’initiative référendaire dès que le nombre de signatures atteint 1 % des électeurs inscrits — ce qui aux présidentielles de 2012 aurait représenté 460000 personnes, quasiment le nombre d’habitants de Lyon en 2010).
  • Lorsqu’un vrai référendum d’initiative populaire aura été mis en place, il ne restera plus qu’à proposer au peuple (au moment opportun) l’idée de l’assemblée constituante tirée au sort, par exemple en soumettant au vote la proposition suivante : « Une assemblée constituante composée de 1000 citoyens tirés au sort est instituée pour remplacer la Constitution de la Ve République par une Constitution démocratique. Le Président de la République et les parlementaires ne peuvent ni interrompre le processus constituant ni en initier un autre. Le Président de la République ne peut pas utiliser les pleins pouvoirs définis à l’article 16 pour influer sur le processus constituant. Tout citoyen tiré au sort peut refuser de participer à l’assemblée constituante, le cas échéant, il sera procédé à un nouveau tirage au sort autant de fois que nécessaire. Les membres de l’assemblée constituante travailleront publiquement, en interaction avec tous les citoyens qui le souhaiteront. Ils seront chargés de soumettre sous six mois à l’ensemble des électeurs un projet de constitution démocratique qui devra être voté au moyen d’un référendum permettant de valider ou de refuser chaque article. En cas de rejet d’un article, une nouvelle assemblée constituante sera tirée au sort selon la même procédure pour rédiger les articles restants. Une fois la Constitution votée, l’assemblée constituante sera dissoute et ses membres seront définitivement inéligibles à toute charge publique. » (ce n’est qu’une ébauche, nous aurons le temps d’y réfléchir lorsque le référendum d’initiative populaire fera partie de nos outils de citoyens).
  • Le tirage au sort de l’assemblée constituante serait alors effectué et ses membres pourraient par exemple utiliser Internet pour travailler par petits groupes, mettre en commun leurs travaux et suivre au fur et à mesure les commentaires des citoyens non membres, lesquels pourraient leur suggérer des articles issus d’ateliers constituants locaux.
  • Enfin, la nouvelle constitution serait adoptée par un référendum article par article (ou groupe d’articles par groupe d’articles). Bienvenue dans la Première Démocratie !

Remarque : une autre méthode serait possible pour obtenir une assemblée constituante tirée au sort visant à mettre en place une démocratie. On pourrait élire directement des parlementaires dont le seul programme serait d’abroger la Constitution de la Ve République et d’instituer l’assemblée constituante tirée au sort avant de démissionner. Néanmoins, cela requerrait de convaincre les électeurs de ne plus voter pour leur parti ou leur candidat favori, ou pour les militants abstentionnistes de retourner au bureau de vote… Il semble plus facile d’appeler à manifester et à menacer de faire la grève pour que les parlementaires actuels cèdent sur le référendum d’initiative populaire, d’autant plus que plusieurs partis se sont déjà engagés dans leur programme à le mettre en place.

« Pour que la masse entière de la nation émette un vœu, faudra-t-il attendre que l’universalité de ses portions s’assemble spontanément, ou que les représentants du peuple convoquent ses assemblées ? La tranquillité publique serait-elle assurée si, dans le cas où une inquiétude vive agiterait une portion notable de citoyens, il leur fallait, ou déterminer cette convocation, ou produire un mouvement général dans toutes les autres portions ? Ne serait-il pas plus simple d’établir que telle portion de citoyens, qui aurait déjà un moyen légal d’émettre son vœu, pourrait exiger la convocation nationale ; qu’une portion plus petite pourrait également obtenir, sous une forme régulière, l’émission de ce vœu pour une convocation, en sorte qu’il ne pût exister une réunion un peu considérable de citoyens, qui n’eût l’espérance et le moyen légal de consulter le peuple entier, si elle le croyait nécessaire ? » (Condorcet, De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre, Œuvres, tome 10, p. 610)

3Nous avons donc un devoir de faire connaître les caractéristiques indispensables de la démocratie ainsi que l’importance d’obtenir pour commencer le référendum d’initiative populaire, car notre système politico-économique va de mal en pis et il est possible qu’un jour la VeRépublique prenne fin simplement à cause d’une révolution déclenchée en réaction à l’exploitation des peuples. Or si ce jour-là, nous ne sommes pas massivement conscients que nous devons exiger une assemblée constituante tirée au sort pour écrire une constitution démocratique, nous obtiendrons de nouveau après la révolution un énième système crapuleux – c’est ce qui s’est passé après les révolutions arabes. À nous d’être vigilants et de diffuser un argumentaire convaincant le plus largement possible. De nombreuses personnes travaillent à faire connaître les caractéristiques de la démocratie et le problème de la qualité du processus constituant, notamment le groupe des « gentils virus » (qui s’emploient à « contaminer » le mastodonte qu’est notre régime actuel) sur Facebook et sur le réseau social libre ggouv. Il se peut aussi que des démocrates habitent près de chez vous : consultez la carte des « gentils virus » dans le monde pour les découvrir. Enfin, il existe une association à Paris, Les citoyens constituants, précisément axée sur la mise en place d’une assemblée constituante tirée au sort.

La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples. (Machiavel)

Pour plus d’informations sur la démocratie, vous trouverez une bibliographie dans l’onglet À propos.

>>> Source @ http://lavraiedemocratie.fr/12-iv-comment-peut-on-faire-la.html

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Les gens ignorent le pouvoir qu’ils ont.